Laura Bonnefous est une photographe avec un background de plasticienne, dont le travail ancre l’imaginaire et la poésie dans le réel. Son traitement des matières, des formes, des couleurs, mais aussi des paysages associés aux portraits, donnent à ses créations une identité à la fois douce et percutante. Nous la rencontrons chez elle pour parler du processus créatif, du travail de photographe, et de l’importance de l’humain.
Bonjour Laura, peux-tu nous présenter ton parcours ?
Je viens plutôt des arts plastiques avant de venir de la photographie, j’ai passé 5 ans aux Beaux-Arts de Paris où je faisais du volume, de l’installation, de la sculpture. J’ai vraiment démarré par les arts plastiques. Petit à petit j’ai dérivé vers la photographie, j’ai passé mon diplôme de cinquième année à la fin des Beaux-Arts entre de la photographie et de l’installation, et j’ai décidé d’explorer encore plus ce médium parce que je trouvais que finalement les photographies en elle même, qui au début documentaient mes installations, pouvaient avoir une valeur intéressante, une puissance intéressante. J’ai passé le concours de l’Ecole des Gobelins où j’ai passé deux ans, une école qui est plus technique et qui m’a permis de rentrer dans le milieu professionnel de la photographie. Et à la sortie des Gobelins je me suis donc retrouvée à travailler et en tant qu’auteur et en tant que photographe qui avait aussi des commandes à travers la mode et la publicité.
Qu’est-ce qui t’anime dans ton métier ?
C’est une grande question mais c’est vrai qu’il y a quelque chose qui revient souvent en tout cas qui m’attire et qui m’anime, c’est l’idée de partir du réel et de le transformer jusqu’à aller vers des univers qui sont plus métaphoriques, plus poétiques. En effet ça peut se traduire de manière assez différente notamment dans mes dernières séries personnelles où il y a un travail sur un territoire, où ça pourrait être un sujet de reportage, de documentaire, que je ne vais absolument pas traiter de cette manière là. Je suis attirée par un lieu, je vais aller sur ce lieu et je vais décider de le traiter de manière poétique. Je pense qu’il y a quelque chose qui me passionne et qui m’anime, c’est cette relation que je vais avoir aux formes et aux couleurs. Je pense que c’est peut être le fait d’avoir dans le passé travaillé sur du volume et de venir des arts plastiques. Je pense que j’ai cette sensibilité là aussi, de retraduire les choses à travers les formes et les couleurs. Et ça veut dire qu’il y a des vrais sujets dans le fond, mais je vais les traiter de manière plasticienne. Pour moi ce que je raconte, c’est se dire que je prends mon morceau du réel, à l’inverse d’un photographe qui va saisir un moment du réel. Moi je vais prendre le réel mais je vais reconstruire complètement un univers un petit peu plus métaphorique autour de ça.
Quelle place a ton équipe dans ton travail ?
L’équipe avec qui je travaille, c’est vrai que c’est quasiment toujours la même depuis pas mal d’années… Ce sont des gens qui sont très très importants pour moi. Au début je réfléchis à un projet, j’écris des choses, je prends des notes etc. Et puis ensuite il y a un vrai dialogue avec les personnes avec qui je travaille, et ces personnes là ont une vraie place aussi on va dire artistique, et de conseils dans mon travail parce qu’on construit tous ensemble. Pour ce qui est des décors, oui souvent il y a des sets designers avec qui je travaille, des stylistes avec qui je travaille… On est très liés parce que ce sont des gens qui ont des univers artistique qui sont reliés au mien. C’est aussi pour ça en fait. L’idée ce n’est pas juste de dire « J’ai besoin d’un styliste sur cette série donc je vais aller appeler un styliste ». Non, c’est vraiment aller chercher des personnalités… Maintenant on a ce lien qui est très, très fort. Et voilà on fait des ping-pong créatifs aussi dans le travail, que ce soit d’ailleurs le travail dans les séries vraiment perso ou dans le travail de commande. Pour moi c’est important d’avoir leur avis et de construire ensemble ces choses là.
Peux-tu nous parler d’une création récente ?
J’ai fait une résidence au Japon il y a quelques années, C’est un travail qui a pris pas mal de temps parce qu’il y a eu d’abord tout un travail sur un territoire que j’avais envie d’explorer dans l’île au sud du Japon qui s’appelle Kyushu, tout un territoire volcanique qui est très, très beau. Et qui est à la fois extrêmement fort parce qu’il y a toute cette puissance du fait que ce soit volcanique, et en même temps on est dans des paysages japonais très apaisants. J’avais très envie d’aller là bas, j’ai fait des photos là bas, et puis comme souvent dans mon travail personnel, il y a un travail de portraits, de personnages qui répond aux paysages, et ça a pris pas mal de temps pour que je trouve, entre guillemets, ce que j’allais exprimer face à ça. J’ai gratté, j’ai cherché, le temps a un peu passé, et j’ai découvert une collection d’Issey Miyake… Je l’ai vue et je me suis dit : c’est exactement les couleurs, les formes etc. Il y a quelque chose… Pour moi c’était la réponse à ce travail de paysage que j’avais fait donc je les ai contactés et ils ont accepté de me prêter toute cette collection pour travailler sur mon projet personnel. Ensuite j’ai fait tout ce travail de portraits et se sont créés des analogies entre le tissu et le paysage, entre le personnage et le paysage. Voilà je suis venue mixer tout ça. C’est un travail qui s’appelle « Failles » dont je vais bientôt sortir ma première édition. Je suis ravie parce que c’est un travail qui a été vraiment sur le long terme. J’avais d’abord fait une petite auto édition pour montrer le travail, et puis avec les éditions H2L2 qu’on va réaliser le projet. C’est vrai que c’est vraiment chouette parce que ça va être la première fois que j’ai un livre sur une série et c’est un aboutissement qui est super intéressant puisqu’après, il y a toute la partie édition qui est extrêmement riche, de choisir le papier, le travail de la couverture. On a écrit un texte qu’on a traduit en japonais, tout le livre est en franco japonais. Donc voilà il y a ensuite tout ce travail de mise en page, de conception et de réalisation de l’ouvrage qui est passionnant et que j’ai pu découvrir.
Où puises-tu l’inspiration ?
Dans pas mal de choses, après c’est vrai qu’il y a un médium que j’aime beaucoup beaucoup, c’est la danse contemporaine. Parce que je développe aussi la vidéo à côté de mon travail photo…
Je trouve que mêmes photographiquement ça m’inspire énormément, et ça se lie aussi de plus en plus à la mode. Il y a un travail de vêtements, de positionnements, d’énergie et d’émotions dans la danse contemporaine que je trouve incroyable. Après aussi des lectures, la littérature, et les voyages que je fais m’inspirent aussi beaucoup pour mon travail personnel. Je passe des heures et des heures à regarder des documentaires sur pleins de choses même si j’ai un travail qui est très plastique. Il y a des envies de découvrir des territoires et de comprendre des sujets plutôt géopolitiques qui sont aussi un peu cachés derrière.
Un conseil à donner à quelqu’un qui veut se lancer dans la photographie ?
Je ne sais pas si je peux avoir des conseils mais je pense… Des choses assez simples, beaucoup, beaucoup de passion et beaucoup, beaucoup de travail. Je pense que c’est le plus important, après rester honnête et fidèle à sa pratique. Pour moi rester fidèle à ses équipes et aux gens avec qui on travaille c’est vraiment quelque chose d’important, et qui fait grandir aussi, vraiment. C’est très chouette de grandir ensemble aussi. On a l’impression que c’est des métiers où on est tout seul, mais en fait pas tant que ça. Un conseil, bien s’entourer et puis suivre son chemin et toujours se remettre en question. Ca c’est important.
Pour suivre Laura :